J'ai trouvé ça par terre griffonné sur un petite feuille à carreaux, ça ne ressemblait pas à une liste de courses ou alors il s'agit d'une liste de courses pour un supermarché d'un nouveau type :

"Mourrez, bande de chiens : vos vies ne servent à rien!

Vous bavez, jacassez, tapotez, filmez, photographiez, vous n'êtes plus que spectateurs, vous vous frottez aux autres en espérant une caresse, une insulte, un coup de poing, une relation sexuelle, quelque chose qui vous fera sentir vivant, à défaut vous vous tripotez.

Vous pouvez passer de l'autre coté des écrans mais aujourd'hui tout le monde peut le faire et toujours cet air livide, ce masque apathique, néant diabolique, zombifiés vous êtes, vous ne vous nourissez pas de chair mais de vidéos, de photos, d'infos qui n'en sont pas, partagées, oui, au féminin mauvais par d'autres zombis, faute de vivants, la mort semble si loin, vous fantasmez : finir en pyjama orange égorgés par des barbus puants, les yeux bandés et votre plus grand regret sera de ne pas connaître le nombre de vues que fera la vidéo de votre exécution. Twitter votre mort en direct : le pied à portée de main! L'oiseau bleu en guise d'oiseau de paradis! Rêve de victime au goût amer, relents d'actualité, d'hommes qui rêveraient de vos non-vies attendant leur sentence à la merci de cervelles putréfiées, pourries de sacré fermenté, de Verbe blahableur, d'Illusion qui les guide dans ce qui nous semble être le néant.

Les gens qui ont la foi semblent encore être en vie : illusion ou réalité? Seule illusion qui les rend réels? Qui les rend vrais dans un monde de fausseté généralisé? Faut-il se mentir pour pouvoir aller vers une vérité, une quête, autre chose qu'un horizon économique qui malgré le chaos annoncé reste le seul que vous connaissez alors vous filez encore vous occuper l'esprit, les virtuelles passions interactives dévorent votre temps de vie, vous ne la voyez plus passer cette vie qui semble pourtant unique, l'ennui est chassé, traqué, il ne reviendra que par moments lorsque vous serez obligés d'être là et de subir mais vos portables et autres tablettes permettent de ne jamais plus vraiment être là, toujours une réponse à apporter à quelqu'un, quelquesoit le sujet, peu importe. Il semble que nous soyons tous pris au piège, nous nous débattons peu, devenus hyperactifs sans but réel nous ne comprenons pas toujours ce qui se passe, nous ne mesurons pas toujours les conséquences, nous espérons les conséquences juste pour "être", exister ou se sentir exister ce qui est après tout sans doute plus important. Marcel déjà : "l'intention est tenue pour le fait" ; Proust toujours ! Que de charabia déprimant pour circonscrire la chose...Si personne ne nous déteste alors détestons-nous, nous aurons l'air si nobles! Créons des ensembles, emprisonnons nos frères et tendons leur ce miroir, détestons-nous tous ensemble, il nous faut nous haïr, nous entretuez pour nous ressembler et pas seulement à Call of Duty, il nous faut plus de flingues et puis sortir tirer dans le tas en hurlant, déments tout en se filmant. ¨Penser au moment où l'acte vient à un passage important vers un au delà le bonheur de l'horreur accompli, l'âme repu, destin accompli.

Les plus jeunes n'ont jamais connu autre chose ailleurs des gens meurent de ne pas pouvoir survivre quand vous continuer vos vies de mort ponctués de phrases vides, de vidéos stupides, de sons débiles "

Pas de point final, plus de place sur la feuille à carreaux, était-ce la fin?

Mourrez, bande de chiens!

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